"Les vrais durs ne dansent pas", beau programme en perspective que le titre de cet ouvrage, me suis-je dit en tombant sur ce livre de poche. Et le résumé était tout aussi alléchant. Le héros, un écrivain raté que sa femme vient de quitter, se réveille un matin avec la gueule de bois et un tatouage inconnu au bras, sans le moindre souvenir de ce qui lui est arrivé la veille. Après avoir plus ou moins repris ses esprits, il découvre du sang dans sa voiture puis la tête coupée d’une femme blonde dans la planque où il cache d’ordinaire sa marijuana. Qui est cette femme et est-il l’assassin ? C’est pour répondre à ses deux questions qu’il va mener l’enquête. Mouais, allez vous dire, voilà le début d’un thriller au sujet assez banal. Mais ce mystère n’est en fait que le point de départ d’un livre original, passionnant et drôle. Ce qui, vous avouerez, sont plutôt des qualités intéressantes pour un bouquin.Ecrit en 1984, ce livre m’a donc particulièrement enthousiasmé, et ce pour plusieurs raisons. En premier lieu, l’atmosphère du livre rappelle celle des grands polars américains des années 50, aux visages patibulaires, aux atmosphères ténébreuses, aux bars glauques, aux femmes fatales, et j’en oublie. Mais le génial Mailer transgresse allègrement les règles manichéennes du genre. Le héros n’est pas sans peur ni reproches, que du contraire, les flics ne sont pas les garants de la loi, les assassins ne sont pas plus dérangés que les autres, les hommes sont loin d’être des durs, manipulés bien souvent par des femmes aussi belles que dangereuses. Deuxième argument de choc, la galerie inouïe de personnages que l’on rencontre au cours de la lecture. A commencer par le narrateur, l’anti-héros Tim Madden, complètement dépassé par les évènements, alcoolique, désabusé, pathétique et j’en passe. Ou encore, son père dont la forte personnalité d’émigré irlandais vous hantera autant qu’il hante l’esprit de son fils. Que dire alors des personnages féminins, véritables symboles de la cause féministe ?
Outre les personnages, Mailer utilise un ton humoristique qui rend la lecture d’autant plus excitante. Enfin, sans tomber dans le cliché de la critique littéraire que je ne prétends pas écrire ici, le livre de Mailer est aussi la parodie d’une certaine bourgeoisie et d’une certaine société américaines. Pour résumer l’ouvrage que je vous conseille, reprenons la définition de la tragédie, donnée par un certain von Boberfeld (sûrement un allemand), et reprise dans le livre : « Coups mortels, désespoir, infanticide et parricide, incendie, inceste, guerres, insurrections, vagissements, hurlements, soupirs». Un magnifique programme, non ? Pour une oeuvre bien sûr !
Parmi les différents "genres" du cinéma, le film à sketches n'a pas vraiment la meilleure cote auprès du public et de la critique. Reposant en général sur plusieurs histoires tournant autour d'un même thème, il a surtout connu son heure de gloire avec la comédie italienne des années 50 ,60 et 70. Les plus grands noms s'y sont essayés, tels Fellini, Risi, Scola, Monicelli, Visconti, De Sica et j'en passe. Le genre a aussi eu ses aficionados en France, en Angleterre et aux USA, notamment Woody Allen et les sept sketches de "Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe sans jamais oser le demander", ou encore les Monty Python et leur "Sens de la vie". Sans intérêt, trop inégal (ce qui n'est absolument pas le cas des deux films que je viens de citer), le film à sketches doit affronter de nombreux reproches plus ou moins fondés selon les époques et les réalisations. Et ce n'est pas le projet Eros, réunissant en 2003 une plénitude de grands réalisateurs internationaux comme Soderbergh, Kar-Wai ou Antonioni, qui a su faire taire les critiques. Sur le thème du désir, le film est en fait un parfait exemple de ce qu'on reproche au genre : le pire y cotoie le meilleur, et surtout quel intérêt à réunir sur un même projet des réalisateurs, et donc des styles et des points de vue, aussi différents. Je serai tenté d'affirmer que tout l'intérêt vient de là mais ne contredisons pas de grands critiques de cinéma, ça les vexerait. Avec Coffee and Cigarettes, sorti en 2003, pas de problème de ce genre, un seul réalisateur (et lequel ! Jim Jarmusch en personne), un seul style, un seul point de vue.

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