dimanche 12 novembre 2006

Akoibon ou le murmure d'espoir d'un desesperated man

"C'est un aquoiboniste, un peu trop idéaliste, qui dit toujours à quoi bon, à quoi bon". Au premier abord, ces paroles de Serge Gainsbourg pourraient caractériser le second film d'Edouard Baer. Même s'il ne répond pas aux attentes du spectateur regardant une "comédie", le début du film peut apparaître comme normal, voir banal. Deux petits escrocs, Nader et Christophe, sont emmenés de force par deux gros bras de la maffia. Leur chef (qui n'est autre que Jeanne Moreau) demande à Nacer de se rendre sur l'île d'un certain Chris Barnes (joué par Jean Rochefort) et de l'attirer sur la plage. Pour sauver son ami gardé en otage, Nacer ne peut qu'accepter. Jusque là, vous allez me dire, c'est franchement navrant, on dirait le début d'une comédie à la Clavier, voire d'un film d'action à la Steven Seagal (sauf que le héros n'aurait sûrement pas un prénom comme Nacer, attribué plutôt à un méchant, genre Nacer Arafat). En tout cas, ça ne donne pas envie d'en savoir la suite. Et bien, détrompez-vous, une fois le cher Nacer embarqué sur le bateau qui le mène à l'île, le film part ... dans un délire d'absurdité inauguré par l'apparition de Jean-Bernard Ollivier, le narrateur, et de Daniel (joué par Baer lui-même), personnage sorti tout droit d'une comédie à l'italienne, ayant quitté femme et enfant (11 ou 12, il ne s'en rappelle pas très bien, pas plus que leur prénom d'ailleurs) pour rencontrer Betsy, la fille de Chris Barnes, avec qui il a parlé de George Moustaki sur le net.

Sur l'île, désertée pour cause de lieu d'expérimentations miliatires, Nacer et Daniel vont rencontrer des personnages plus barrés les uns que les autres. L'intrigue anarchique n'est là, pense-t'on, que pour montrer cette galerie de personnages loufoques et une suite de situations plus absurdes les unes que les autres. Le jeu des acteurs est poussé jusqu'à la limite du ridicule. Prenons l'exemple le plus frappant : le jeu de Benoit Poelvoorde est trop proche de celui de son rôle des "Randonneurs", il en est même une caricature ridicule. Alors, erreur de casting? Ratage de l'acteur belge mal dirigé par Baer? Et bien, aucun des deux. Il s'agit s'implement d'un choix délibéré et assumé. Poelvoorde porte ainsi une tenue de randonneur, sans logique aucune avec son rôle. Mais surtout, ce sont les commentaires de sa femme, jouée par la toujours sublime Chiara Mastroianni, qui nous éclairent sur l'autodérision de Poelvoorde et des autres acteurs : elle lui répète sans cesse qu'elle n'arrive pas à croire à ses colères trop explosives pour être vraies. Plus tard, elle lui avoue même qu'elle simule depuis quelques temps lorsqu'elle ... joue avec lui. Dès le début, la mise en abîme du film est annoncée par le narrateur, Jean-Beranrd Ollivier, qui parle directement à la caméra. Au milieu du film, Chris Barnes marque cette mise en abîme en refusant plus longtemps de continuer à jouer dans le film. Cette deuxième partie va ainsi apparaître comme un aveu du réalisateur sur son film impossible à réaliser, une perte de confiance en ses capacités mais surtout dans la comédie en tant que genre cinématographique du cinéma français. A quoi bon essayer de continuer un film si mauvais, semble se dire Jean Rochefort et les autres acteurs. Il n'en est évidemment rien. D'abord et avant tout, parce qu'une fois l'illusion de la fiction initiale brisée, une seconde apparait. En effet, les acteurs ne vont pas jouer leur propre rôle mais bien d'autres personnages, à savoir des acteurs se révoltant contre le système en faisant capoter le film qu'ils sont en train de tourner.

Par ce procédé, Edouard Baer n'a-t'il voulu faire qu'une simple figure de style, assez originale certes, mais qui n'apporte pas grand chose au propos du film? Ou bien, plus vraisemblablement, a-t'il voulu dénoncer les dérives d'une certaine comédie à la française, de plus en plus formatée par et pour la télévision? Ce que je retiendrai du film, outre son non-sens, sa folie, c'est surtout la touche d'espoir qui finit le film par l'intermédiaire de ... George Moustaki et de sa chanson "Et pourtant dans le monde", chant de liberté et de révolution. Non, Edouard Baer n'est pas desespéré, il veut nous montrer qu'un autre cinéma est possible et le prouve. Il nous livre un film , certes absurde et peut-être difficile à regarder pour certains, mais qui parvient à nous faire réfléchir sur certaines questions. Il réussit également à nous émouvoir à la fin du film, une émotion plus vraie et moins artifielle que n'importe quelle comédie dramatique à la sauce hollywoodienne. Un grand bravo donc à Edouard Baer.

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